La chronique d'Albert

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Friday, November 07, 2008

LA PRESENCE octobre 1992

Le sens des mots dans leur acception professionnelle varie au cours
du temps et de l’évolution des techniques
. Parlons-nous toujours de la même chose avec les mêmes mots?

On désigne sous le vocable, de présence, si souvent employé dans notre métier des sensations différentes, quoique voisines, selon les conditions d’écoute dans lesquelles on se trouve.
Un spectateur aura rarement une sensation de présence lors d’une audition acoustique dans une salle sinon dans l’appréciation de la qualité d’exécution des interprètes. Certains musiciens. chanteurs ou comédiens paraissent toujours
‘ présents’ que ce soit dans les passages forté ou pianissimo et quelle que soit la place de l’auditeur dans la salle, d’autres paraissent peu présents voire lointains voire absents.
C’est alors un problème d’émission des sons bien connu des professeurs, des chefs d’orchestre et des metteurs en scène, Il semble que cette qualité soit liée uniquement à la production et à la précision du contrôle des micro-informations que les interprètes superposent aux sons simples et qui maintiennent en permanence en haleine l’attention des auditeurs ; l’exemple le plus facilement perceptible étant le vibrato en fréquence ou en niveau, mais il y en a bien d'autres.
Les différentes sources sonores sont perçues toujours à leur place quelles que soient les variations de leurs niveaux sonores.
A l’écoute d’un spectacle sonore diffusé par des enceintes acoustiques, la sensation de ‘présence‘ n’est pas de même nature, elle recouvre l’impression de plus ou moins grande proximité des diverses sources sonores.
Si la prise de son est à capteur unique, ces différences de présence se confondent avec la perception des positions géographiques des sources et permettent en particulier de reconstituer la profondeur de l’espace sonore. On peut avoir dans ce cas des sensations de présence, et même de trop grande présence, pour des distances microphoniques importantes (plusieurs mètres) et toujours sans rapport avec les niveaux sonores, c’est une sensation de présence globale.
Dans le cas de prises de son par capteurs multiples, la sensation de présence n’est plus reliée aux dispositions relatives des sources dans l’espace réel, mais uniquement aux distances sources microphones et prend alors une importance primordiale. Tout se passe comme si la source la plus proche d’un microphone devenait l’étalon de présence maximale toutes les autres sources paraissant plus lointaines. Cette présence-là n’est plus une conséquence de la prise de son, elle en est malheureusement la priorité, le but.
C’est une des raisons de la multiplication des microphones pour certaines prises de son dans lesquelles selon le mode actuelle tout doit être présent.
Plus ces microphones sont nombreux et plus ils doivent être proches des sources ou même des parties de sources sonores et plus ils sont proches plus évidemment on doit en ajouter.
On ne peut évidemment plus conserver dans ce cas une image de l’espace réel. Il faut en imaginer une autre, mais si l’on arrive à peu près bien à reconstituer par points une dimension gauche droite, il est à peu près impossible de recréer la profondeur et une dimension de moins dans la stéréophonie qui n’en compte que deux c’est bien regrettable.
On retrouve bien évidemment les mêmes difficultés lors du mixage, toutes les sources qui ne paraissent pas présentes semblent désavantagées et la réalisation de la balance devient très périlleuse, d’autant plus que les compositions actuelles tiennent peu compte de la post-production et que les notions d’ effet de masque " semblent bien oubliées.
Une conséquence de ces utilisations discutables de la présence est le déséquilibre que l’on constate dans les actuelles prises de son des orchestres symphoniques. Les microphones sont placés près des bois ou des cuivres, mais, si l’on veut couvrir l’ensemble de leurs exécutants, on ne peut les placer que loin du quatuor. Les bois et les cuivres sont alors entendus plus présents que les cordes, ce qui pour une très grande partie de la musique est une hérésie. Une augmentation de niveau ne peut compenser que bien insuffisamment un manque de présence, les deux sensations étant de natures bien différentes.
Dans les transmissions de spectacles audiovisuels la vision vient modifier les sensations de plus ou moins grande présence sonore. Cependant cette possibilité très utile pour le confort de la perception de ces spectacles n’est possible évidemment que si la prise de son permet à l’auditeur de faire jouer son écoute intelligente.

Albert Laracine

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